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La faucheuse
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Épisode 2
Épisode 3
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Épisode 3
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Une petite ambiance ?
Épisode 3
l pleut des missiles, des cratères sur ma carrosserie. Le vent me fait reculer. J’avance dans
des centimètres d’eau, un courant trouble et sale à la hauteur de mes chevilles. Dans mes
narines, un goût salin, l’odeur marécage. De la terre trempée mélangée à ce parfum, la
lourde boue cadavérique qui empeste la mort. Le vent fait claquer des millions de molécules
dans mes yeux et je ne vois rien. À force de concentration, je finis par discerner des ombres.
Des piquets d’une centaine de mètres de hauteur sur un horizon lointain. Des baobabs
désarticulés qui pourraient accueillir des villes entières en leurs troncs. Une jungle sous une
lueur de grisaille où les rayons ne transpercent rien, à travers un infini de végétaux variés
et monstrueux. Je perds la tête.
Dans mon dos, Peter est envahi d’une secousse, d’un tsunami fatal : l’effroi. Moi, je jouis de
la chaleur ambiante. 27°C. J’ai chaud.
J’avance et trace un chemin à travers tout. Des branchages me retiennent ici et là alors que
mon GPS affiche le plan des circuits, me guide. C’est le dernier obstacle à franchir, me dis-
je. J’y suis presque. Un obstacle. Rien d’autre.
Une forêt tiède d’eau métallique, rien d’autre. Dans l’air des nanorobots viennent s’écraser
contre ma peau. Des insectes dangereux, mais intéressés par mes composants synthétiques.
Ma trajectoire dessine un arc de cercle et me mènera aux ascenseurs. Un parcours qui ne
m’est pas pénible, car, de cette pluie, je récolte de l’hydrogène, me purifie, et goutte à l’eau.
Pourtant, alors que j’avance, un détail que j’avais cru réglé se met en alerte. Ma jambe,
lente, et douloureuse.
C’est psychosomatique, je sais bien. Car chaque fois que mon être craint, il s’endolorit. Une
bulle d’énergie coincée dans la cuisse, qui ne s’en va pas.
Peter tourne son cou, s’écrie «
Là-bas ! Je les sens !
». Il m’est précieux, car, il dispose de
l’empreinte olfactive des miroirs.
Son indication s’éloigne de ma route, mais je décide d’y aller. La curiosité m’emporte. Je
profite de cette tendance ascendante sur laquelle je danse en ce moment. Je me trouve
chanceux et désespère de réponse, et d’accomplissement.
Alors que je suis l’odeur, je le sens qu’il s’énerve. B3 qui, dans mon dos, tente de me faire
basculer. Et au vent, à la tempête, s’ajoute le poids mort de sa carcasse :
«
John ! Ils vont nous torturer encore, que fais-tu ?
—
Silence B3 !
—
Comment tu m’as appelé ?
»
Des feuilles bruissent et j’ai l’impression que l’on remue les feuillages. À mesure que nous
avançons vers l’odeur, les mouvements s’amplifient.
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Quelqu’un nous a entendus et, quelque part dans les branches, des drones attendent.
Je décide de longer les troncs, les yeux rivés au loin. Je vibre légèrement. Les arbres sont
énergisés à la base et semblent renfermer des armements ou des systèmes de sécurités. Des
capteurs de mouvements ou autre pour aider au pilotage des drones qui nous guettent.
Je nage dans des algues fermes et rigides, sortant de terre jusque trois mètres de haut. Des
arbustes sauvages qui semblent poser pour entraver tout mouvement et des lianes sordides
qui ne font qu’à peine la largeur de trois humains. Je repousse des buissons qui ne
dissimulent aucun chemin, mais des fleuves pourpres et stagnants, rempli à ras bord de
sève pourrie. Un univers de cauchemar fait de briques grises.
Soudain, la jambe de B3 se lève, se plie pour venir m’étrangler. «
B3!
» je crie. Et sa
bouche se met à remuer sans son. Il est inondé. Après ses cris de sourds, il s’enfuit, part au
loin comme la plaie qu’il est. «
Bon débarras
», me dis-je. Une perte de temps.
À travers l’orage, je ne vois que des formes. Pourtant, malgré cette pénible randonnée, moi,
j’ai chaud.
Et cette eau me fait du bien. Profitant de ces ressources non anticipées, je décide de me
blinder, car je crois bientôt rencontrer ces miroirs. Leur odeur est toute proche.
Je me remodèle et, dans mon dos, un bruit métallique survient. Est-ce B3 Peter ? Une
diversion ? Un drone enclenché ?
Je me tourne dans toutes les directions et j’ai l’impression que l’on gratte mes tympans,
m’encerclent à nouveau. J’enclenche ma course. À quatre pattes, à 70km/h, je me
rapproche rapidement de l’empreinte olfactive. Ma vitesse crée des vagues dans le courant.
Je fais s’exploser des litres d’eau sous mes pas, les fais partir en fumée en vagues vers le
haut.
Pourtant, le pétillement caractéristique des jets augmente, on se rapproche à ma poursuite.
Derrière une dizaine de drones. Des pauvres modèles et, je sais qu’ils ne me feront rien. Je
m’arrête dans un saut et, en plein air, les vise chacun, tire mon plus gros calibre sur leurs
pauvres carcasses en carbones.
En une demi-seconde, leurs alimentations sont toutes grillées. Je les examine, mais, ils ne
sont rien. Des bouts de métaux télécommandés. Je ris à plein poumon, l’air triomphant.
Quand, à ma droite, une conversation finit par m’atteindre. Ils sont là. Je m’y dirige et ne
me prépare pas. Gonfle la poitrine pour les intimider. Je dépasse un baobab et derrière, ce
qui semble faire une clairière. La mauvaise herbe est couchée au sol, de même que les
plantes et autres bosquets. Personne, mais toujours cette conversation qui résonne. Au
centre de la clairière, une petite radio abîmée et salie par la terre.
J’entends des rires, des exclamations, du blabla, comprends m’être fait duper. Ma théorie se
vérifie une fois de plus, on me fait tourner en bateau depuis des années.
On me prend pour un
con.
J’analyse la radio. Je la regarde, mais pourquoi ? J’arrête de réfléchir.
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Maintenant, la tempête se fait plus forte. Des impacts creusent ma paroi et y laissent des
renfoncements. Ma peau brûle. C’est alors que mes muscles se contractent et qu’une
douleur plus dure, plus intense encore que cet orage se met à grandir en moi.
À pousser contre mon intérieur pour que je cède, et que je rompe, et que j’explose.
J’enrage ! C’est ce sentiment-là. Je brûle de tout annihiler. Tout ramener à l’état de
poussière, car c’est pour ça que je suis activé. Pour détruire.
J’en ai assez. Dans ma paume, la conversation se poursuit. Mon rythme cardiaque est plus
rapide que moi, je me brise. J’appuie lentement mes doigts contre la radio, avant de la
broyer, la ramener à l’état de suie et d’atomes. J’ouvre la main et laisse s’éparpiller les
derniers vœux de ces farceurs, qui découvriront bien assez tôt, le prix de cette distraction.
Mes yeux virent au rouge et la raison tente de me court-circuiter. Mais je préfère vivre cette
douleur que d’être de l’horlogerie sans fond. Sentir mes poils se hérisser, sans mes
calculateurs et leur ultime précision. Car, là où je constate l’un, je subis l’autre.
Je regarde autour de moi. Je les trouverai et leur apprendrais mieux à me résister.
Au diable ma course, je décolle, part gratter les nuages comme le Dieu que je suis.
En quelques instants, je peux toucher le plafond, et un vertige noir ne tarde pas à suivre
devant ce panorama.
Une jungle infinie. Et cette fois-ci, presque littéralement. Je suis intrigué par l’origine de ces
constructions, mais je me retiens d’y penser, pour ne pas crouler sous le poids des questions.
Mon énergie ne sait plus quoi alimenter. Mon cerveau en constante ébullition ne sait plus
quoi penser. Et moi, vers quoi me tourner ? Mes muscles sont tendus sur un fil qui veut
rompre, alors, je me mets à percer l’air plus vite que le son. Je vole, au loin, ferme mes yeux
sur la brise, contre l’air chaud de l’orage.
Mais le plafond est un champ magnétique qui garde intacte cette jungle. Ma boussole
interne tourne comme une toupie.
Et mon GPS affiche «
désactivé
».
Je n’ai plus de boussole.
Jour 1100
J’ai fini par tailler un nid dans un trou et m’y suis réfugié. Je n’ai rien fait à part examiner
mes cartes et arriver à la conclusion que je ne peux plus m’y fier. Après recalibrage, le nord
est-il encore le nord ou est-ce un mirage
? Là est tout le problème.
J’ai décidé de me reposer, sans plus de réflexion.
Dormir et me mettre en veille. Un environnement de haut-parleurs, de drones inoffensifs…
je pense au jour où je m’en irai. Le repos m’a fait beaucoup de bien. Au réveil, des pas à
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l’extérieur remuaient l’eau et se rapprochaient. La tempête se calme. Je reste en boule dans
mon nid et une ombre se dessine dans l’eau. Un homme finit par passer la tête dans mon
trou. Il me regarde un instant.
Un humain présent dans mes bases de données et qui se nomme Shén Líng :
«
Bonjour, qu’est-ce que tu fais ?
»
Je ne comprends pas et me contente de le dévisager.
«
Il n’y a pas de cyborgs ici, tu peux sortir, tu sais.
»
Perplexe, je finis par lui dire : «
—
Je ne crains ni cyborgs ni tempêtes.
—
Hmm, bien sûr, finit-il par dire. Tu es simplement faible.
—
Vous m’apprenez un mot, Shén.
»
Il se retourne un instant, comme ennuyé par ce que je viens de lui dire. Peut-être ai-je été
un peu lourd. Il expire bruyamment avant de rire de moi.
«
C’est excellent tout ça… Excellent. Tu es arrivé ici et, au bout de cinq mètres tu avais
toutes les bonnes conclusions. Tu as tout analysé, la vitesse du courant, la direction des
précipitations, estimé l’envergure du lieu et, compris son utilisation, son fonctionnement.
Ensuite, en quelques millisecondes, tu as décidé d’un plan pour retrouver ton chemin, et
tracer un raccourci à travers champ sans te perdre. En modifiant le plan des circuits que tu
avais retenu. Pourquoi tu l’as modifié ? Car il n’était pas assez précis dans les logs mêmes
de la station. Tu as remis en question un circuit imprimé. Tout ça pour, finalement, faire
virer tes yeux aux rouges et te rouler en boule dans un coin. Car tu avais envie de dormir.
Tu décides de souffrir. Ne trouves-tu pas cela fascinant
?
—
Je. Ne. Décide Pas. De souffrir !
»
Je me redresse, serre mes poings.
«
Tu es faillible. C’est ce qui te rend si puissant. Tu es une machine extraordinaire. Tu ne
sais juste pas quelle décision prendre.
»
Je frissonne.
Machine
. Je me tends et lui réponds :
«
Et toi ? Montre-moi comment tu agirais vieillard, si tu ressentais l’issue de chaque action.
—
Quand on ouvre une porte, on en condamne une centaine. Alors j’essaye juste de faire le
bon choix.
—
Tu es trop humain pour comprendre ce dont tu parles.
—
Es-tu alors trop robot pour le ressentir ?
»
Son rythme cardiaque est immobile. Comme s’il n’existait pas. J’arme mes lasers et le réduit
à cendre. Dans le nuage de fumée, il n’est plus.
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Jour 1101
Il avait raison. Quelques secondes m’ont suffi pour décrypter cet enfer. Une jungle faite
pour transformer le CO2 en air respirable après la mort des générateurs. Des arbres dopés,
armés pour empêcher une nouvelle extinction de dioxygène : les miroirs ont gagné.
Les plantes fournissent de la chaleur, servent à respirer et, ce que B3 a senti, n’était qu’un
résidu de présence, mélangé à un appât. De puissants réacteurs pompent l’oxygène du lieu
pour alimenter les étages supérieurs.
Une analyse des variations de pressions me mènera à la pompe centrale, et donc, à la paroi
convoitée. Si je ne le fais pas c’est que, quelque part ici se trouve la carcasse de Peter. Je
m’en veux profondément. Il a beau être détruit, sa conscience ne peut pas mourir sans
deathchip
. Il baigne dans des limbes sombres, un univers indescriptible de sensations que
l’on ne peut pas imaginer. Une toile d’impulsions électriques qui dessinent comme d’autres
voies lactées à travers notre esprit. Il n’y a en réalité rien de tangible dans ces limbes, rien
de physique pourtant, on ressent, et on est là. Mort, mais conscient. Et s’il se trouve dans ce
monde loin de tout mot, c’est parce que j’ai voulu l’utiliser, et le garder près de moi comme
un animal de compagnie.
Si je le trouve, je mettrais son module de mort, et je m’en irais. Ces trois derniers jours de
solitude sous la tempête ont prouvé que ça m’est à présent insupportable. J’ai beau résister,
c’est au coût de ma santé mentale. Et j’ai l’impression que je deviens réellement fou.
Pour trouver Peter, je retrace mon parcours dans ma mémoire.
Je ne mets pas beaucoup de temps en course pour atteindre l’endroit où nous nous sommes
séparés. Et les sons se réenclenchent. Des ondulations dans l’air qui fait comme de fins
ultrasons.
Des drones qui s’activent.
Je suis la direction empruntée par Peter quand je finis par percevoir de faibles motifs au sol.
Des tâches marron et rigides. Comme si du plasma bon marché avait été projeté. Et c’est
une très mauvaise nouvelle. Les bruits s’intensifient, je suis à présent encerclé. Mais je ne
discerne aucun drone. Je suis la trace du plasma froid et peu à peu, l’air s’éclaircit, les
trombes se font pluie fine et je discerne mieux les moteurs silencieux qui virevoltent au
loin. Mais, je ne vois rien. Des sons rauques se déclenchent à nouveau comme des
grésillements incessants tout autour de moi, on recharge des armes, mais où !?
Je continue ma route et finis par voir un pied de modèle B3 pris sous la gomme du plasma.
Un peu plus loin, j’aperçois un tas épais. Dessous se trouve mon ami.
Il semble s’être cogné à l’arbre avant de succomber à l’assaut du plasma. Une texture de
goudron qui se montre très pénible à ôter. La chaleur que j’y mets alors que je fouille à
travers cette gélatine collante la fait adhérer de plus en plus à mes mains. Et alors que je
peine, une sirène déchire l’air ambiant. Un son perçant, un décollage d’avion à deux
centimètres de mes tympans. Un cri qui envoie toute une armée à ma poursuite. Je mets
une énergie considérable à dégager B3 du plasma pourri et modifié. Et je comprends avoir
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affaire à du caramel. Une matière qui sert à immobiliser une cible. Et bien qu’inoffensive en
théorie, c’est une vraie saleté. La chauffer c’est la rendre collante, la refroidir c’est la rendre
ferme. Une matière chaude et flasque qui, propulsée à haute énergie, peut faire brûler la
carcasse. Sous l’épaisse couche de caramel, Peter, du moins ce qu’il en reste. Un tronc et
une tête carbonisés. Les jambes réduites à néant. Le caramel reste collé ici et là sur ses
épaules et sur ses circuits. Il est complètement éteint, dévitalisé, dans les limbes.
Je remue son tronc, aucune réponse. Sur mes mains, cette saleté de matière qui ne part pas.
Je glisse le corps de Peter sous mon bras et le regarde en attendant qu’il dise mot. «
John !
C’est B3-Peter ! Me reconnais-tu ?
».
Autour de moi, caché dans les arbres, des réseaux qui s’activent pour enclencher des armes.
Une centaine d’yeux rouges commencent à m’épier. Quand le premier assaut de caramel est
tiré. J’attendais des drones et fus trop stupide pour penser aux arbres dans lesquels se
dissimulent les canons. Je décolle pour rejoindre la cime des arbres, protège Peter contre
moi en esquivant les tirs.
Le ciel s’assombrit et des drones venant de toute part se rassemblent autour d’un réseau
commun. Des technologies militaires de pointe. Une myriade d’oiseaux tueurs qui se
rassemblent en une structure unique, adaptable et intelligente. Je tombe des nues. Alors
que j’attribuais cet endroit aux cyborgs, la technologie avancée ne fait aucun sens. Cette
technique est dans mes bases de données sous un nom confidentiel et est encore
prototypale. Et son analyse m’autorise la crainte et la peur.
Je prends les choses en main pour déstabiliser la structure. Et en plein air, à toute vitesse,
pars décimer le plus de drones possible. Mais le ciel est maintenant noir. C’est un essaim de
millions. J’en grille une petite partie avant de me décider à replonger parmi les arbres.
L’assaut de caramel s’arrête et les arbres de cette zone ne sont pas armés. J’atterris et
enclenche la pleine vitesse. Je n’ai pas de temps à perdre. La sortie est loin, mais je suis
rapide et lancé. Sous mon bras, j’enserre Peter et tente de le rassurer. «
On y est
presque !
». De temps à autre, je tire en l’air, mais l’essaim se déplace et ne se situe plus
tout à fait au-dessus de moi. Quand un craquement survient et résonne à travers la jungle
comme si les arbres s’effondraient. Comme si un pan de la forêt se faisait détruire. Mon
cerveau tourne à plein régime, fait la course avec mes jambes.
J’anticipe tout, et passe chaque possibilité aux cribles. J’envisage les détours, les obstacles,
je suis en bonne forme.
Je décide d’une halte. Il me faut plus d’information. Ma main collée contre un tronc, je
tente d’accéder au réseau de l’essaim. Alors que je décrypte les circuits, je sens l’activité
neuronale des arbres autour de moi et la forêt respirer. Les troncs sont gorgés de caramel.
Une jungle pour tout usage qui produit des armes et de l’air. Une structure incroyable.
Je capte les connexions environnantes et les drones détectent mon intrusion, se mettent à
m’analyser. Les drones vont s’adapter à moi pour me vaincre, et cela m’effraie.
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Pourquoi une telle défense ? Est-ce un cimetière technologique ou est-ce qu’un forcené
protège coute que coute un amas d’arbres monstrueux pour de l’air ? N’y a-t-il pas une
solution plus simple que celle-ci ?
Je me remets en mouvement, mais l’essaim part. Laisse le ciel paraitre enfin. La luminosité
augmente, adopte une teinte plus claire, douce, pastel. La température se réchauffe
également et, malgré la pluie qui tombe, les nuages s’affinent, cède leur place à une belle
lumière. Une lumière pâle qui brille là-haut. Je m’arrête et lâche Peter dans un fracas. Je
lève les yeux. J’ai chaud.
Les gouttes me recouvrent d’une couverture apaisante et, tout me repose. Je me retrouve
dans un linceul d’eau d’été, qui m’enlace doucement. Le ciel brille enfin, me caresse alors
que je me laisse emporter. Mes bras s’écartent d’eux-mêmes et, mes mains vers le haut, je
tente d’agripper les rayons vers l’infini.
Et moi, je sus, et ferme les yeux. Laisse les rayons alourdir mes paupières, les laisser se
remplir de ces douces gouttes polluées. J’aime ça.
Un sentiment puissant, un contraste avec ma vie passée, et j’aimerai ne plus rien vivre
d’autre. Que le temps se fige devant ce soleil brisé. Une lumière de brume grise qui vient
me consoler.
J’apprends le bonheur. J’apprends le beau. Et, déconcentré, je ne me décale pas assez tôt.
Les tirs de caramel viennent de s’enclencher. Un impact visqueux immobilise ma jambe
gauche qui, contre toute attente, explose.
Dans un nuage noir, je suffoque, récupère Peter en un geste. Je me remodèle pour pouvoir
continuer à trois jambes et me sers de mes membres supérieurs. Mais c’est si dur. Le soleil
était si doux. Les tirs de caramels se poursuivent, m’atteignent au bras, au dos. Je n’arrive
pas à lutter. Je ne suis plus concentré. Je n’y arrive pas.
Un ultime tir atteint mon crâne et vient plaquer mon corps contre le sol de marécage.
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